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Ce samedi 02 septembre, Fléron commémorait le 73ème anniversaire de sa libération.

Vous pourrez découvrir ci-dessous un article de Jean-Pierre GUERIN (Conseiller communal IC) relatant les événements de la libération de Liège et de ses environs.

Septembre 1944 : la libération de Liège et environs

C’est le propre d’un anniversaire de revenir chaque année. Une fois encore, la semaine du 7 septembre rappelle les souvenirs à la fois douloureux et exaltants de la libération de Liège et environs après quatre ans d’occupation allemande.

Quelle était la situation à l’époque ?

Divers mouvements de résistance se sont créés : le Front de l’Indépendance (FI) et l’Armée de Libération (AL) qui contiennent le plus grand nombre de membres, l’Armée Secrète, les réseaux Clarence, Benoît, etc. A partir de mai 1943, ils exécutent des sabotages de voies de chemin de fer, de pylônes et d’installations stratégiques. A Liège, les FI ont leur état-major sous la cathédrale et cachent des aviateurs anglais avant de les rapatrier. La nuit, ils détroussent les soldats allemands pour prendre leurs armes et tentent de mettre les traîtres hors d’état de nuire.

Le rationnement est de rigueur. Les gens reçoivent des timbres pour les denrées de première nécessité mais le ravitaillement n’est suffisant pour personne. Chaque Belge ne dispose que d’une ration de 1.000 calories par jour, contre 2.400 à 2.700 calories avant la guerre. Le marché noir bat son plein. Par exemple, les œufs sont en moyenne 54 fois plus chers en 1944 par rapport à 1939.

Les loisirs sont peu nombreux : jardinage, promenades, visite de la famille, cinéma, jeux de société, écoute de Radio-Londres.

Les derniers mois d’occupation sont marqués par les bombardements alliés. Le 1er mai 1944, Ils visent les installations ferroviaires de Kinkempois. Les bombes sont larguées à très haute altitude et sont peu précises. Elles provoqueront la mort de 24 personnes. D’autres bombardements suivront. Les Allemands veulent empêcher la population de rejoindre les mouvements de libération. Les arrestations se multiplient. Des résistants sont fusillés pour l’exemple (dont 10 FI le 18 juillet à la Citadelle). En août, les Allemands sont de plus en plus nerveux. Les fouilles se succèdent, les bâtiments publics sont fermés, certaines rues sont interdites à la circulation afin d’éviter les attentats. Dans les usines et dans les mines, les ouvriers travaillent au ralentit et sabotent les pièces destinées à être envoyées en Allemagne.

La tragédie de Forêt-Trooz

Le mercredi 6 septembre 44, il est 3 heures. Un groupe de résistants est réuni au château de Forêt, sur les hauteurs de la Vesdre. Un détachement allemand engage le combat. Les affrontements dureront 5 heures. Les résistants, faute de munitions, finissent par se rendre. Violant les lois de la guerre, les Allemands exécuteront 35 prisonniers sur place. Après avoir perpétré ce crime odieux, ils brûleront les corps des malheureux. Cette attaque a fait 64 victimes : 22 sont mortes au combat, 14 ont été exécutées à Forêt après la reddition, 17 ont été exécutées par noyade au pont-barrage de l’île Monsin, 11 victimes aussi bien de Forêt que de l’île Monsin n’ont pu être identifiées.

A Micheroux, le jour même du massacre de Forêt, plus de 40 résistants ont été brûlés vifs.

La libération de Liège les 7 et 8 septembre 1944

Les Liégeois savaient que Bruxelles était libre ; ils attendaient donc l’arrivée des alliés. On préparait les drapeaux en secret, on ne savait pas très bien si les libérateurs seraient des Américains ou des Anglais. En ce lundi 7 septembre 1944, la rumeur courait selon laquelle les Américains auraient libéré Waremme. Vers 11h30 la nouvelle se confirme avec l’arrivée de la première Jeep américaine à Grâce-Hollogne. À Awans-Bierset, des combats ont lieu, autour du terril du charbonnage le Corbeau, entre Américains en progression et Allemands en retraite.

C’est la 3ème Division Blindée US Spearhead (Fer de lance) qui doit libérer la région de Liège. Elle est commandée par le Général-Major Maurice Rose qui sera tué au combat le vendredi 30 mars 1945, aux environs de Cologne. Cette unité a été activée en avril 1941 en Californie. Elle a été transférée en Angleterre à l’automne 1943. Elle a débarqué à Omaha Beach le 23 juin 44. Elle se composait de 11.000 hommes, 390 chars, 54 obusiers, 753 véhicules semi-chenillés et 3.650 véhicules à roues. Durant la Seconde Guerre Mondiale, la 3ème Division Blindée a participé à 231 jours de combat ; elle a eu 2.540 tués, 7.331 blessés, 95 disparus et 139 prisonniers.

Le plan général des Américains prévoit une manœuvre en tenaille pour s’emparer des crêtes qui dominent Liège au Nord et au Sud. La libération de la rive droite de la Meuse fut l’œuvre du Commandement de Combat « B » (Combat Command « B ») qui était divisé en trois groupements blindés (Task Forces) : TF 1 (LOVELADY), TF 2 (MILLS) et TF 3 (HOGAN), du nom de leurs commandants respectifs, le Lieutenant-Colonel William B. LOVELADY, le Major Herbert M. MILLS et le Lieutenant-Colonel Samuel M. HOGAN.

La percée à travers la Belgique a été rapide, irrésistible. Beaucoup de ces soldats vainqueurs ne connaissaient même pas l’existence du petit pays qu’ils délivraient. Le 7 septembre, le QG de la 3 DB est à Tilff (sur Cortil) puis à Louveigné le 9.

A Liège, il n’y eut pas de grande bataille de rues. Pourtant, il y eut un carnage le premier jour. Au carrefour de Fontainebleau dans le quartier Sainte-Marguerite, un petit tank téléguidé « Goliath » bourré d’explosifs explosa non loin d’une boulangerie devant laquelle s’étirait une longue file de clients. De nombreux immeubles furent détruits et on dénombra 98 morts.

Dans l’après-midi du 7 septembre, les Américains pénètrent dans la ville et écrasent les derniers points de résistance allemands de la rue Grétry, de la place d’Italie et de la rue du Parc. Liège est libre. Paraphrasant le général de Gaulle, le jeudi 7 septembre 1944, le gouverneur de la Province de Liège, Joseph Leclercq et le bourgmestre de Liège, Joseph Bologne auraient pu dire « Liège outragée, Liège brisée mais Liège libérée ». Le jour-même, à partir de l’émetteur liégeois de l’INR (Institut national de radiodiffusion), l’information est confirmée, Liège est libérée par les troupes américaines, du moins, sa rive gauche. Pendant que les habitants du centre sortent leurs drapeaux et font la fête, les combats font encore rage pour la maîtrise de la rive droite de la Meuse et du sud de la ville. Dans les quartiers encore occupés par les Allemands, certaines personnes montent dans les greniers pour voir de l’autre côté du fleuve les gens qui font éclater leur joie.

Le 8 septembre, dès l’aube, les combats interrompus par la nuit reprennent de plus belle. Les unités US passent la Meuse en masse pour entrer en contact avec l’ennemi. Les Allemands commencent à perdre du terrain partout. Les résistants sont de mieux en mieux armés grâce aux armes prises à l’ennemi. A 12 heures, les Allemands font sauter le pont de Fragnée. Le courageux concierge d’un immeuble voisin les empêche de faire de même avec le pont de Fétinne. Il extirpe la dynamite logée dans les piles du pont.

Les troupes allemandes sont en déroute. Elles essaient de se reformer sur la route d’Aix-la-Chapelle mais finissent par se replier encore. Beaucoup de soldats sont faits prisonniers.

Qué Novèle à Fléron ?

La TF1 (Task Forces LOVELADY), qui libéra Fléron, était composée des unités de combat suivantes : l’Etat-major du 33ème Régiment blindé ; un peloton de sa Compagnie de reconnaissance ; son 2ème bataillon blindé avec en renfort une compagnie du 2ème bataillon du 36ème Régiment d’infanterie blindée ; un peloton de la compagnie « B » du 23ème Génie blindé ; un peloton de la compagnie « B » du 703ème bataillon de chasseurs de chars.

Selon plusieurs témoignages oraux, des éléments américains, sans doute les éclaireurs de l’unité de reconnaissance et la tête d’avant-garde du bataillon blindé, sont arrivés à Fléron le 7 septembre 1944 vers 19 heures. « Le 7 septembre à 7 heures du soir, c’est facile à retenir » disait souvent feu le docteur Louis Bosson. Déjà à l’époque, la crête de Fléron était un nœud stratégique avec des accès vers les vallées de la Meuse et de la Vesdre, vers le pays de Herve, la Hollande et l’Allemagne. Les Américains s’empressèrent d’établir des « road- blocks » avec des chars Sherman, un à la Clef, un à la rue de Romsée, un au Wérixhet et un au carrefour de la N3 avec la rue Belle-Epine à Beyne.

Le soldat US Claude Chafin, du 26ème d’infanterie est tombé au Wérixhet le 7 septembre comme l’indique les inscriptions sur la croix de sa tombe à Henri-Chapelle.

L’arrivée de ces vainqueurs Américains allait pour longtemps marquer l’imagination des jeunes Fléronnais et Fléronnaises. Souvenirs aussi des cadeaux reçus : paquets de chocolat noir enveloppé dans des boîtes en carton recouvertes de bougie fondue, des boîtes de jaunes d’œufs en poudre, des bonbons, des cigarettes et, bien sûr, des chewing-gum.

Après la libération

Dès le Samedi 9 septembre, signe de la liberté recouvrée, la presse réapparaît. Les locaux de « La Légia », journal collabo, sont directement remis aux rédacteurs de « La Meuse ». En ce premier jour de la libération, la population s’arrache les exemplaires de l’édition spéciale mis en vente pour se constituer des souvenirs.

La joie et la liesse sont de courte durée car le pire reste à venir. Entre le 30 novembre 1944 et le 31 janvier 1945, pas moins de 936 bombes volantes V1 et fusées V2 tombent sur l’agglomération liégeoise faisant 1.035 morts, plus de 2.000 blessés et des sinistrés par milliers.

La vie est là qui rappelle à chacun la dure réalité. Il faut bien désenchanter sur plusieurs choses :

  • Les ennuis de rationnement s’accentuent, la famine s’installe, le marché noir est toujours florissant.

  • La reconstruction des bâtiments est lente et difficile.

  • Les usines ont du mal à redémarrer, les ouvriers entrent en grève.

  • La population doit rendre ses vieux billets déclarés sans valeur pour en recevoir de nouveaux (2000 francs par personne). Cela provoque la panique chez les profiteurs de guerre obligés de déclarer leurs revenus illicites.

  • L’électricité est souvent coupée par manque de charbon dans les centrales électriques, l’économie est au ralentit, il y a pénurie de main-d’œuvre dans les mines.

  • Les écoles occupées par les soldats ou détruites ne rouvriront leurs portes qu’en mars 1945.

Après la guerre, il faudra de nombreux mois, voire des années, avant que l’existence ne redevienne normale et plaisante dans la région de Liège.

Sources principales :

Témoignage et livre de Léon Jacqmin « Fléron en guerres » édité chez Noir Dessin Production

Livre de Jean-Louis Lejaxhe « Liège en guerres » édité chez Noir Dessin Production

Archives des journaux La Libre Belgique et de la Gazette de Liège

Forum de la seconde guerre mondiale : https://www.39-45.org/

Forum de la Third Armored Division : http://www.ranes1944.org/3AD.html

Archives photos 3d Armored Division : http://36thair3ad.homestead.com/BelgianPhotosTitlePage.html